La plaie de la fraude scientifique
Le journaliste Pierre Le Hir au sujet de la fraude scientifique :
"Même si les entorses à la probité sont vieilles comme la science, l'impact de la recherche moderne sur les sociétés et les économies amène aujourd'hui institutions scientifiques et gouvernements à s'inquiéter de ce que les Anglo-Saxons appellent misconduct (inconduite ou écart de conduite). (…) Les statistiques sur les pratiques frauduleuses sont très lacunaires. En France, elles sont absentes. D'autant que la ligne de démarcation entre le péché véniel (présentation de données partielles, emprunt ponctuel à un autre auteur...) et la faute caractérisée (fabrication de résultats, falsification ou plagiat) n'est pas clairement définie. Mais, assure M. Alix, " toutes les études indiquent que ces pratiques sont en augmentation ". Une récente enquête sur le plagiat a révélé, sur les 7 millions d'articles les plus cités de la base documentaire médicale Medline, 70 000 cas (soit 1 %) de " haute ressemblance " détectée par un moteur de recherche spécialisé. Une autre étude américaine, publiée en 2005 par la revue Nature, donne à penser que les manquements à l'éthique sont de beaucoup plus grande ampleur. Sur près de 8 000 chercheurs du secteur biomédical questionnés sous le sceau de l'anonymat, pas moins de 33 % de ceux qui ont répondu ont confessé un comportement coupable au cours des trois années précédentes. La palette est large : données falsifiées (0,3 %), appartenance non signalée à une entreprise (0,3 %), pillage d'idées (1,4 %), rapports critiquables avec des étudiants ou des clients (1,4 %), usage d'informations confidentielles (1,7 %), omission de résultats contradictoires (6 %), modification de résultats à la demande d'un bailleur de fonds (15,5 %)... Les fautes avouées, précise l'étude, sont plus nombreuses en milieu qu'en début de carrière (38 % contre 28 %), peut-être parce que les occasions de fraude sont plus fréquentes et le sentiment d'impunité plus assuré. " Publier, valoriser, communiquer ", telles sont les trois pressions qui poussent les chercheurs à sortir du droit chemin. Avec des conséquences d'autant plus graves qu'il n'y va pas seulement de la crédibilité de la science, mais aussi, parfois, d'applications industrielles."
Source : Le Monde, 07/02/08
Libellés : sciences