14.1.08

Internet : la tyrannie de la transparence

Claude Weil dans son dernier éditorial :
"Photos volées, rumeurs, calomnies et secrets de famille voyagent aujourd'hui à la vitesse de la lumière. Tapez «Manaudou nue» sur Google, en 0,06 seconde le moteur de recherche vous propose 227 000 pages. 227 000 ! Les victimes peuvent bien se démener, menacer de poursuites, exiger que soient retirés les documents compromettants... Peine perdue. Pour une page fermée, dix autres s'ouvrent. (…) Aucune digue juridique ne tient. Ni les lois sur la presse ni la législation française sur le droit à l'image, la mieux faite et la plus protectrice qui soit, n'y peuvent rien. Si les journaux ne publient pas, d'autres s'en chargeront. En tout anonymat. En toute impunité. Les corbeaux, désormais, ne laissent pas de traces. Des dizaines de romans d'anticipation ont imaginé un futur où chacun vivrait en permanence sous le regard du pouvoir. C'est le modèle «1984» : «Big Brother is watching you». Un cerveau central placé en surplomb de la société, usant des moyens techniques les plus sophistiqués pour espionner les citoyens jusque dans leur intimité et les dépouiller de la liberté la plus élémentaire : le droit au respect de la vie privée. Nul n'avait envisagé que cette intrusion - cette tyrannie de la transparence - puisse être le fait non d'un régime autoritaire, mais d'un système de communication hyperdémocratique, égalitaire et anarchique. Et qu'elle ne viserait pas à bâillonner les opposants, mais tout simplement à satisfaire la curiosité des conso-«mateurs». C'est pourtant ce qui nous guette. La pitoyable affaire Manaudou donne un avant-goût des développements possibles d'une révolution qui ne fait que commencer. Juste une bonne blague, une histoire de fesses ? Les rieurs devraient prendre garde : personne n'est à l'abri. Big Brother, potentiellement, c'est n'importe qui. Votre voisin, votre ex, votre collègue de bureau, l'employé qui gère votre compte en banque. Quiconque peut avoir accès à votre misérable petit tas de secrets, et intérêt à les exposer au grand jour."
Source : nouvelobs.com, 03/01/08

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