17.10.07

Refaire voyager les oeuvres d'art

Philippe de Montebello est le directeur du Metropolitan Museum of Art de New York depuis trente ans. Il évoque en ces termes la mission qu'il assigne à son musée :

"L'Histoire est faite de sacs et de ressacs. Aux XVIe et XVIIe, l'art allait du Sud au Nord, les collections du duc de Gonzague vers celles de Charles Ier en Angleterre. Ensuite, il est allé de l'Ouest à l'Est, quand Catherine de Russie a acheté en bloc des collections françaises. Puis avec la colonisation, au XIXe, à nouveau du Sud vers le Nord, d'Egypte ou d'Assyrie vers les grands musées qui se créaient. Mais ces pays, il faut le dire, démolissaient leurs temples et leurs pyramides pour récupérer les pierres et construire des gares et des bâtiments. Aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle phase. Nous avons la responsabilité de refaire voyager les oeuvres vers des pays - en Asie ou en Afrique - qui non seulement ont retrouvé de l'intérêt pour leur art, mais aussi pour celui du reste du monde. J'y vois là une espèce de justice dans le temps. Cela impose de prêter nos oeuvres et d'organiser des programmes de formation. En évitant toute opération exclusive, susceptible de nous priver d'autre chose. J'ai, en quelque sorte, des alliances avec tous les musées. Mais aucune exclusivité. En matière d'art, je suis tout à fait polygame. (…) Le grand défi sera de garder cet équilibre, cette sorte d'histoire universelle de l'art illustrée par de vrais objets qu'offre le Met, sans faire basculer le tout vers l'art contemporain. Car il y a de moins en moins d'antiquités ou de tableaux de maîtres classiques à acheter, alors que les contemporains peignent toujours... Et en même temps, nous voulons continuer à affirmer que l'art d'aujourd'hui est une prolongation de l'art classique. Nous avons donc décidé de poursuivre les expositions temporaires d'art contemporain - comme Neo Rauch, le peintre de Leipzig, ou Frank Stella -, mais de cesser les achats. De toute façon, il y aura toujours des legs ou des dons, qui constituent un élément essentiel de la vie culturelle américaine."

Source : Le Monde, 13-14/10/07

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