1.12.06

Hachis de papier et bouillie de pixels

Le journaliste Benoît Delmas ne supporte plus le culte des petites phrases :
" Ce "cuculte" ambiant du faux scoop, ce mépris de la connaissance, ce rejet quasi pathologique de la lecture assidue au profit de quelques propos supposés accrocheurs aboutissent à une violence qui refuse de porter son nom. Résumer un livre à deux phrases, un discours papal de trois heures à quarante-cinq secondes, fait que débat, réflexion, appelez cela comme vous voulez, sont proscrits.
A ce jeu malsain, la nouvelle aristocratie médiatique sera perdante. Peu importe votre bulletin de vote, votre courant de pensée ou votre volontaire absence de pensée, chacun a droit à une information la plus juste possible. Jean-François Revel jetait, dès 1985, un retentissant pavé dans la mare : La Connaissance inutile. A voir l'actualité récente, cette machine infernale ne semble pas devoir s'arrêter de sitôt. Conséquences ? Des dommages collatéraux qui n'épargneront personne.
L'art de la concision est une chose. La dictature de la courte vue en est une autre. Inutile de se réfugier derrière des querelles d'interprétations, le sujet ne se situe plus sur ce terrain-là. A confondre manchettes aguichantes et pseudo-synthèses, on concocte une tambouille indigeste dont les effets seront pérennes. Le hachis de papier, la bouillie de pixels, voilà où nous en sommes. Ce qui mérite de s'attarder sur ce souci de réduire a minima le temps de lecture des gens. A répéter sur tous les tons que l'homme nomade n'a plus que quelques minutes à consacrer à l'écrit, on devance cet état de fait en rabotant jusqu'à l'entame le moindre embryon de pensée. Avec pour résultat de singuliers raccourcis qui nourrissent les vilains penchants d'une société embourbée dans le doute. " (lemonde.fr, 17/11/06)

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