La télévision est la nouvelle religion païenne
Jean-Michel di Falco, évêque de Gap et bon connaisseur des médias, au sujet du voyeurisme à la télé :
" La télévision est la nouvelle religion païenne. Autrefois, les familles se retrouvaient pour l'angelus et la prière qui ponctuait toute la vie chrétienne. Aujourd'hui, elles se rassemblent pour le journal télévisé de 20 heures, la "grand-messe" de l'information, avec un "grand prêtre", le présentateur, pour la célébrer. Et ce journal se déroule selon un rite bien défini, le conducteur, qui est l'équivalent de la "liturgie". (...)
C'est l'escalade du "toujours plus" en effet. Toujours plus d'images et de confidences dévoilant la vie intime des personnes ! Toujours plus d'images de violences, de guerres ! Il fut un temps où les responsables des chaînes veillaient à ce que les émissions susceptibles de choquer soient diffusées à des heures où les enfants ne sont plus à la table familiale. Aujourd'hui, plus aucune retenue n'est observée. Sur fond de concurrence, c'est à qui ira le plus loin, à qui sera le premier. Les chaînes se donnent comme alibi que les spectateurs ont un petit penchant pour le voyeurisme et en demandent toujours plus. La preuve, les magazines people sont la seule presse dont le tirage augmente : 18 millions de lecteurs en 2005.
Un public voyeur et exhibitionniste. Ceux qui, d'eux-mêmes, viennent exposer à la télévision leurs situations ou difficultés de vie se livrent à un dégradant strip-tease. Je me refuse à mettre en cause ces hommes ou ces femmes, mais leur attitude en dit long sur l'état de notre société. Ce qui fait exister, c'est le regard des autres. Dès lors que ces personnes n'ont pas, ou plus, le sentiment d'être regardées, d'être reconnues, choisies, de compter pour quelqu'un, elles vont tenter de se montrer à la télévision.
Ce qui supplée l'anonymat, le regard humain, c'est donc le regard électronique de la caméra. Contre le sentiment de non-être, le fait d'être vu à la télé donne une sorte de surcroît d'existence. Passer à la télé, c'est pénétrer dans le saint des saints, lieu de légitimation suprême, qui équivaut à une consécration. J'emploie à dessein ce vocabulaire religieux. " (lemonde.fr, 12-13/11/06)
Libellés : médias
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